Relation fournisseurs – acheteurs : vers davantage de compréhension ?
Fin septembre 2021, nous évoquions dans la newsletter du GRAFIE notre « frise des marchés » : cette restitution graphique produite pour explorer les étapes de la vie d’un marché, afin d’en relever les nœuds gordiens du côté des structures de l’insertion et des donneurs d’ordre. Nous évoquions aussi la « pédagogie » nécessaire pour faire comprendre à chaque partie, « les contraintes, pratiques, obstacles de l’autre ».
Le 3 février 2022, le GRAFIE participait à l’atelier économie circulaire et solidaire pour des achats responsables de la Métropole du Grand Paris. Fournisseurs et acheteurs étaient présents, témoignant en toute transparence, de chacun de leurs freins et besoins, en lien avec les marchés publics. Cet évènement, comme d’autres en ce début d’année, ne manquent pas de souligner l’importance pour les fournisseurs et acheteurs, unis autour d’engagements responsables, de mieux se connaître pour mieux collaborer. La mission des achats socialement responsable du GRAFIE a voulu formaliser certains d’entre eux, dans l’optique d’y dédier ses axes de travail, en 2022.
Le critère financier fut le premier point soulevé par l’ensemble des fournisseurs. Le surcoût de la matière réutilisable, au cœur de cette économie circulaire, s’expliquant par des dépenses accrues en recherche & développement, études de marchés, logistique, etc. s’oppose à une logique souvent affichée et prioritaire, par certains donneurs d’ordre, de réduire les coûts.
Lorsque le critère du prix a une pondération plus importante que les autres critères dans l’attribution du marché, certains fournisseurs ont des réticences à déposer leurs offres, s’estimant de fait, exclus.
Le critère de la qualité des produits ou services fut aussi évoqué, au vu des idées reçues dévalorisant le non neuf, les produits issus de l’économie circulaire et leurs durées de vie. Un besoin en terme de garanties assurantielles a été souligné chez les acheteurs, concernant l’intégration des matières premières secondaires. Dans le même ordre d’idées, les fournisseurs ont aussi déploré une vision trop étroite de l’insertion et de ses métiers et les à priori à combattre, sur une qualité de prestations moindre, qui résulterait de salariés en parcours de formation.
En terme d’offres de biens et services, certains acheteurs ont émis des réserves sur les capacités de production de certains fournisseurs, jugées limitées face à leurs besoins importants. Les attentes sur les caractéristiques des produits commandés, leurs disponibilités, les délais ou capacités de livraison sont autant d’éléments importants très suivis par les acheteurs. Ces derniers ont aussi fait part d’un manque de filières en économie circulaire, sur certains segments d’achats.
En comparaison de certaines dispositions législatives, accélératrices du changement, on pense par exemple à la récente loi AGEC, les fournisseurs ont souhaité une intégration systématique de clauses de développement durable et inclusif dans les marchés. De même, ils ont demandé une utilisation beaucoup plus fréquente par les acheteurs, des marchés réservés à l’ESS, l’IAE ou le STPA.
Le sourcing a aussi été pointé du doigt. Certaines TPE/PME ont du mal à intégrer le catalogue restreint de certains acheteurs, pour être identifiées en amont des marchés. Il est important de faire évoluer les habitudes et de redéfinir, si nécessaire, les besoins réels des acheteurs. Ces derniers souhaitent développer et élargir leurs connaissances techniques. Pour ce faire, un ensemble de structures de l’économie circulaire et de l’insertion sont à leurs disposition pour présenter les solutions performantes et innovantes qu’elles proposent, sur leurs territoires.
Les deux parties se sont rejointes sur l’importance d’augmenter les rencontres bilatérales, les visites de sites, de présentation d’activités ou de consortiums de fournisseurs. Ces temps de rencontres pourront être organisés grâce aux réseaux de l’ESS, de l’IAE, du STPA, à disposition des fournisseurs pour les aider à mettre en avant leurs atouts en fonction des attentes des acheteurs (références clients, volumes de production, expériences de cotraitance, etc.).
L’accès aux marchés publics n’a pas échappé à la dématérialisation accélérée de notre société. Certains petits fournisseurs, moins au fait que d’autres sur les pratiques numériques, ont plaidé pour des outils de veille des appels d’offres, davantage visibles et centralisés, en vue de pouvoir répondre aux marchés publics.
Par ailleurs, en phase de lecture des documents de la consultation, des fournisseurs ont souligné leur appréhension face à la complexité des pièces de marchés. L’objet du marché en lui-même peut être difficile à comprendre, l’essentiel étant souvent noyé dans une abondance d’informations. Pour ces raisons, certains fournisseurs sont amenés à se tourner vers des donneurs d’ordre privés, aux procédures plus simplifiées.
En phase d’analyse des offres et d’exécution du marché, les acheteurs, quant à eux, ont besoin d’évaluer les critères environnementaux sur des référentiels précis, tangibles, chiffrés, non basés sur les simples écrits et engagements des fournisseurs.
Enfin et non des moindres, il a été encore une fois rappelé l’importance d’allotir les marchés, contrainte administrative pour les acheteurs, mais autre moyen d’accès à la commande publique pour les fournisseurs présents lors de cet évènement.