POLITIQUE RSE ET INCLUSION : PENSER L’ENTREPRISE DE DEMAIN
Éléments de définition :
La Commission Européenne, dans sa 3ème Communication sur la RSE (2011) définit la RSE comme : « l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes. Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes ».
Historiquement le développement du concept de RSE, en tant que tel se formalise dans la deuxième partie du XXème siècle dans les pays anglo-saxons. Il prend sa forme actuelle dans la foulée du sommet de la Terre en 1992 à Rio de Janeiro et de celui de Johannesburg en 2002. L’objectif étant de décliner les grands objectifs de développement durable autour des 3 piliers : écologie, développement social et développement économique.
Dès 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) demandait à l’ensemble des sociétés cotées de publier dans leur rapport de gestion annuel des informations sociales et environnementales. Cette impulsion a été approfondie et étendue par la loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010, si bien que les sociétés françaises sont aujourd’hui parmi les plus transparentes au monde en la matière. Cette combinaison de comportements volontaires, de transparence organisée et de « name and shame » (dénoncer et blâmer), devait entraîner toutes les entreprises.
La RSE est ainsi perçue comme un ensemble de stratégies, politiques et pratiques intégrées dans les opérations quotidiennes des entreprises, dans leur chaîne de valeur ainsi que dans leur processus décisionnel, incluant notamment des enjeux liés aux valeurs, à l’éthique, aux communautés, à la gouvernance, aux enjeux environnementaux, aux droits humains, aux libertés individuelles, aux conditions de travail, etc.
Tour d’horizon de la politique RSE et pratique professionnelle :
Dans un rapport de 2018, l’ORSE (l’observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises) montre qu’il existe un développement exponentiel des politiques RSE depuis 20 ans. Désormais 100% des entreprises du CAC 40, 46% des ETI et 19% des PME ont dans leurs effectifs un responsable RSE. Pour autant, les TPE, sans avoir de personnel dédié portent des actions RSE par le biais de leurs équipes de direction.
Aujourd’hui, les directions Développement Durable/RSE sont en train de passer d’une mission pédagogique et de support qui les a accaparés jusqu’ici, à une mission collaborative et de service, pour accroître la durabilité des entreprises. “La fonction va trouver sa nouvelle dynamique en passant d’une phase de construction qui s’appuie sur la mesure (le reporting), à une phase de pédagogie qui s’appuie sur la recherche d’accords internes et aller désormais vers une phase plus élaborée de création, qui s’appuie sur la collaboration avec les parties prenantes.” Selon la commission dédiée du Medef.
La RSE du cosmétique au stratégique ?
Alors que les années 90-2000 furent celles de l’avènement de la RSE, beaucoup pensaient qu’un retournement de conjoncture économique lui serait fatale. La crise de 2008 a ainsi agi comme un crash test extrêmement puissant. Or, non seulement la RSE est toujours là, mais elle s'est renforcée. Cette longévité révèle une transformation profonde : on est passé d'une RSE "cosmétique" à une RSE "stratégique".
Du côté des actionnaires, la demande pour l'investissement socialement responsable (ISR) s'est notablement accrue. Selon Novethic, le marché français de l'ISR est passé de 30 milliards d'euros en 2008 à 310 milliards d'euros en 2018. Au niveau de l’investissement également, les critères RSE des financiers, appelés "ESG" (environnement, social et gouvernance), sont de plus en plus utilisés. En intégrant dans chaque investissement des critères ESG, les bailleurs de fonds, qui ont une aversion traditionnelle vis-à-vis du risque, diminueraient leur exposition au risque social et environnemental. Aujourd’hui, la RSE est véritablement installée au sein des entreprises, le ou la responsable RSE siégeant souvent au conseil d’administration. L’implication sociale de l’entreprise est requise à tous les niveaux, tant au niveau des clients que des salariés.
Mais au-delà, que l’on s’en réjouisse ou non le rôle de l’entreprise est en pleine évolution. Son impact social, environnemental, son assise territoriale, la place qu’elle donne à l’égalité sont les enjeux de sa pérennité au XXIème siècle.
Comme l’exprimait Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des finances, le 24 Janvier 2019 : « Il faut bâtir un nouveau capitalisme, qui respecte les ressources de la planète, qui donne sa dignité aux personnes qui travaillent et qui fait preuve de plus de solidarité. »
La chaîne de valeur et de production est sans cesse réinterrogée par le consommateur. Intérêt général et intérêt économique ne doivent plus s’opposer mais aller de pair. La lutte contre le réchauffement climatique et contre les inégalités doit désormais faire partie des stratégies d’entreprises.
La loi Pacte a créé une nouvelle forme d’entreprise, l’entreprise à mission. Elle vise à élargir l’objet social de l’entreprise et à développer la quête de sens et d’éthique, qui est un enjeu fort de recrutement. France Stratégie a ainsi publié en 2016 une étude sur un échantillon de 8 500 entreprises. Quelles que soient la mesure de la performance économique (profit par tête, excédent brut d’exploitation ou valeur ajoutée par tête) et la dimension de la RSE (environnement et éthique, ressources humaines, relation client, relation fournisseur), l’étude observe un écart de performance économique d’environ 13 % en moyenne entre les entreprises qui mettent en place des pratiques RSE et celles qui ne le font pas :
« Ces écarts de performance moyenne varient selon les dimensions observées : ils s’échelonnent de 5 % pour la relation client à 20 % pour la dimension « ressources humaines ». Les entreprises qui mettent en place des pratiques RSE semblent ainsi concilier management responsable (envers les clients et fournisseurs, envers les salariés), respect de l’environnement et exigence de compétitivité. Cet écart de performance moyenne, qui traduit une corrélation robuste, peut être dû à un effet direct de la mise en place des pratiques RSE, ou au contraire à l’appétence pour la RSE des entreprises en bonne santé. Il peut aussi provenir de l’effet indirect d’une plus grande efficacité organisationnelle ou d’une attractivité renforcée de ces entreprises auprès de salariés plus motivés donc plus productifs. La supériorité du gain économique imputable à la dimension « ressources humaines » peut s’expliquer par une meilleure valorisation du capital humain et organisationnel de l’entreprise : fondées sur le renforcement continu des compétences et sur le développement de dispositifs managériaux collaboratifs, les pratiques RSE favorisent ici l’innovation organisationnelle, améliorent le climat social et l’efficience du capital humain spécifique, avec des effets positifs renforcés sur la performance de l’entreprise. Par ailleurs, la synergie entre la mise en place d’une démarche RSE en matière de ressources humaines et d’autres démarches RSE sur le champ environnemental ou sociétal peut démultiplier la performance des entreprises par une plus grande implication des salariés dans la recherche de pratiques innovantes. Le sens de la causalité entre ces différentes dimensions n’est toutefois pas nécessairement univoque, et des facteurs non observés peuvent également contribuer à ces relations observées ».