Noyée par les bilans en tout genre à l’occasion des présidentielles, la sortie des chiffres de l'IAE en 2021 est passée plutôt inaperçue. Publiés par la DARES en avril dernier, ils nous éclairent sur les dernières dynamiques du secteur en France sur les 12 derniers mois. Un chiffre retient l’attention : une hausse de 17,2 % des embauches en SIAE par rapport à 2020. Malgré cette progression fulgurante (en dépit de la contraction de l’activité en 2020), nous serons loin d’aboutir à l'objectif annoncé en 2018, soit le doublement en 2022 du nombre de postes occupés dans les SIAE.

Si l’heure du bilan et des propositions est en cours au niveau national, les acteurs franciliens de l’IAE ont déjà capitalisé sur l’expérience passée de 2018-2020. Suite à plusieurs mois de concertation, la DRIEETS avait partagé en novembre 2021, la nouvelle stratégie IAE 2021-2022. L’ensemble des partenaires de l’IAE - parmi lesquels les membres du GRAFIE - ont participé aux travaux de réflexion qui ont conduit à son élaboration. Ce travail nous a permis de faire le bilan de notre mobilisation commune en deux ans et de la mettre en perspective avec les enjeux auxquels nous devons désormais répondre. Alors que s’ouvrent dans quelques jours les travaux de mise en œuvre de cette nouvelle stratégie, il est utile de revenir sur son contenu et de la mettre en rapport avec les perspectives d’action de l’inter-réseau.

La nouvelle stratégie IAE met en avant la bonne dynamique du secteur durant la période précédente :

  • Un nombre de SIAE en progression depuis 2017, passant de 403 à 456 en 2021.
  • L’augmentation de 5% du nombre de salariés en insertion entre 2016 et 2019.
  • La part de SIAE titulaires de marchés publics est passée à 60% en 2021.
  • Une augmentation de 15% des ETP mobilisés pour accompagner, encadrer et former les salariés en insertion.

La stratégie actuelle cherche, à partir de ces acquis, à définir de nouveaux axes de progrès. Parmi eux :

  • Faciliter l’accès à la formation.
  • Renforcer l’attractivité du secteur sur les territoires.
  • Favoriser le développement de nouvelles filières font partie des grands axes de mobilisation d’ici la fin de l’année.

Afin de renforcer l’attractivité du secteur de l’insertion, la stratégie propose, dans un premier temps, de développer les partenariats SIAE/entreprises. Il est attendu des acteurs de l’accompagnement un « travail d’interconnaissance » et d’identification des partenariats possibles. Un rapprochement vers les établissements publics territoriaux est également suggéré. Autant de préconisations que le GRAFIE partage par son action de mise en visibilité des SIAE auprès des entreprises, mise en correspondance avec leur stratégie RSE et mise en valeur dans les territoires. L’identification d’un référent IAE par bassin d’emploi, le développement d’interactions SIAE – entreprises publiques locales sont deux pistes d’action concrètes à envisager à ce stade.

Depuis des années, les SIAE cherchent à construire une stratégie de développement durable au sein de leurs activités, afin d’apporter de nouvelles réponses aux personnes les plus exclues des circuits traditionnels du marché du travail. La stratégie 2021 réaffirme l’objectif de développement économique des SIAE, en intégrant désormais la logique de développement durable dans notre feuille de route. Une logique qui apparaîtrait dès l’accompagnement du porteur de projet IAE, à qui serait proposée une sensibilisation aux axes du développement durable. A côté de cette proposition innovante, d’autres plus classiques concernent les porteurs de projet : orienter l’implantation des nouveaux projets dans les zones sous-dotées, outiller les porteurs et faciliter leur installation. Ajoutons sur ce dernier point la problématique spécifique des porteurs de projet en Île-de-France avec des difficultés croissantes d’accès au foncier.

Favoriser le développement de nouvelles filières est la deuxième lame du plan d’action développement durable. Les activités historiques de l’IAE franciliennes (espaces verts, BTP, nettoyage) sont encore très représentées, certaines continuant même de croître comme le BTP. Dans ce contexte, les nouvelles filières ont du mal à s’implanter. La stratégie vise à aider les SIAE à investir de nouvelles filières, tout en incitant au « verdissement » des secteurs d’activités.

La filière devient la clé de lecture du développement économique des structures ; on demande à :

  • fédérer les SIAE par filière ;
  • définir une stratégie de communication par filière ;
  • développer des partenariats par filière.

Le GRAFIE partage cette approche, qu’il a fait sienne depuis au moins deux ans. Insistons tout de même sur la nécessité de renforcer la prospective sur les filières d’avenir, afin d’encourager les structures à s’implanter dans de nouveaux secteurs. En effet, la baisse de qualité des gisements captés par les acteurs de l’ESS, due notamment à la concurrence de plateformes, ne les incite pas à sortir de filières qui ont fait leurs preuves et sur lesquelles elles sont référencées.

Ajoutons que ces propositions occultent une faiblesse inhérente aux plans de soutien apportés à l’IAE/ESS aujourd’hui : le remplacement d’un modèle de subvention pérenne par des appels à projets spécifiques et thématisés. La logique des appels à projets amène les structures à devoir adapter continuellement leur stratégie de croissance aux priorités parfois changeantes des pouvoirs publics. Chercher des projets, enchaîner les nouveaux projets sans continuité de l’un à l’autre est source de précarisation pour les SIAE.

En outre, la stratégie 2021-2022 se donne comme objectif de renforcer la qualité et la progressivité des parcours d’insertion. La part des publics prioritaires parmi les salariés en parcours a peu évolué ces dernières années. Objectif est donné de favoriser la mixité professionnelle au sein des SIAE en y renforçant l’accompagnement des publics les plus fragiles. Pour améliorer leur accompagnement, charge aux acteurs d’inciter les structures à s’engager dans des démarches de qualité et d’amélioration continue, tels que ceux proposés par le GRAFIE (CAP, EUST, LCD). Il s’agit également de renforcer les sessions de professionnalisation à destination des encadrants.
Afin que la stratégie soit complète sur ce point, il faudrait également valoriser les métiers de professionnels en SIAE (encadrants, référent de parcours, CIP…). Un fort enjeu actuel est l’épuisement des salariés permanents en SIAE, contraints à beaucoup de travail administratif, ce qui laisse moins de temps au projet associatif en lui-même. Il en résulte une véritable crise des vocations avec des difficultés de recrutement. Des difficultés qui pourraient être résolues par le renforcement de l’accès des structures à la formation. Développer le financement de la formation des permanents, identifier les formations qui favorisent l’employabilité en fin de parcours sont deux pistes d’action inscrites dans la stratégie.

Enfin, avec près de 10 000 salariés en insertion sortant chaque année d’un parcours d’accompagnement dans l’emploi, le secteur de l’IAE est un partenaire important pour répondre aux besoins de recrutements des TPE et PME.  Pour autant, l’offre de compétences des salariés en insertion reste encore insuffisamment connue des entreprises. C’est pourquoi la stratégie IAE suggère de travailler davantage avec les entreprises pour améliorer l’intégration dans l’emploi durable.

A la lecture de cet édito, l’IAE se révèle un secteur aussi innovant que fragile devant sans cesse se réinventer. Dès les prochains jours, le GRAFIE s’impliquera dans la mise en œuvre de la stratégie IAE 2021-2022 en connaissance de ces atouts et faiblesses et en relais des 460 SIAE franciliennes qui lui font confiance pour porter leur voix.

L’équipe du GRAFIE.