Le CESE alerte sur la situation des associations et propose 21 préconisations pour progresser.
L’Insertion par l’Activité Economique est largement porté par des associations. Nombre d’entre elles partagent aujourd’hui des difficultés similaires : complexité à renouveler la gouvernance, menaces sur le modèle économique.
Le GRAFIE est donc en veille sur la littérature portant sur ces sujets, et accompagne les structures rencontrant ces difficultés à y répondre.
C’est donc avec intérêt que nous avons lu l’avis rendu par le CESE le 28 mai 2024, intitulé « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique ». (https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2024/2024_09_Financement_associations.pdf)
Nous vous proposons ici une synthèse des points qui ont particulièrement retenu notre attention, et vous encourageons à aller lire ce document.
Un avis construit à partir des retours d’associations
Troisième assemblée constitutionnelle de la république, le CESE a pour fonction d’organiser la représentation des structures de la société civile, et de dresser des préconisations, des avis, dans le but d’éclairer les politiques publiques.
Le CESE a construit cet avis en sollicitant des responsables d’association, en organisant une journée de participation citoyenne, par un questionnaire auprès de 6500 responsables d’associations, dont sûrement plusieurs de nos lecteurs.
Après avoir rappelé l’intérêt indiscutable des associations pour le fonctionnement de notre société, de notre économie, le rapport se concentre sur les difficultés rencontrées par les associations en lien avec les mutations de leur financement public.
La logique de la subvention par appel à projet fragilise le modèle économique des associations, mais aussi la gouvernance associative
Le premier constat rappelé par le CESE est que le financement public des associations diminue. Il est passé de 34% en 2005, et n’en représente aujourd’hui plus que 20%.
Comme dans l’IAE, les associations sont encouragées à trouver d’autres modes de financements, et l’accès aux subventions est bien souvent conditionné au fait de pouvoir également disposer d’autres ressources (ventes, mécénat, marché public, etc).
Le second constat dressé par le CESE ne surprendra pas les dirigeants associatifs : il s’agit du changement de nature de l’intervention publique dans les associations. Comme les SIAE le font remonter fréquemment, le modèle de subvention est passé en 20 ans, d’un système de financement du fonctionnement, à un modèle « par appel à projet ». Cela entraîne des conséquences importantes, décrites par plusieurs associations dans l’avis, et que l’on retrouve dans l’IAE : une tendance à la multiplication de projets aux financements multiples, des financements de courte durée, et une difficulté à assurer la cohérence entre les différents projets portés.
De façon moins intuitive, mais finalement assez logique, le rapport établit un rapport entre ce financement par appel à projet, et la baisse de l’engagement bénévole dans les associations. En effet, la multiplication des réponses à appel à projet, la difficulté à construire et maintenir des modèles économiques « hybrides » complexifie la gestion des associations. Ce modèle de financement transforme les rôle des bénévoles en une fonction de « gestionnaires », particulièrement anxiogène, et qui ne répond pas aux envies des personnes souhaitant s’engager.
En conséquence, le rapport pointe que le bénévolat associatif décline depuis 2010, et particulièrement depuis la crise sanitaire.
La baisse du bénévolat ne serait donc pas liée à une population moins altruiste ou moins prête à s’engager qu’auparavant, mais plutôt à un changement profond du rôle demandé aux bénévoles. Dans ce contexte, le CESE rappelle ses préconisations aux associations et aux pouvoirs publics datant de 2022, afin de bien appréhender ce changement (voir : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2022/2022_09_engagement_cohesion_citoyennete.pdf) :
- Mieux informer, accueillir et former les bénévoles
- Mieux reconnaître et valoriser le travail des bénévoles
- Améliorer la mesure de l’impact du bénévolat
Des préconisations pour aller de l’avant, particulièrement sensées dans l’IAE
Parmi les nombreuses préconisations pour sécuriser le financement des associations, nous en retenons en particulier trois, qui pourraient éclairer les positionnements des SIAE sur leur avenir.
La préconisation 11 est la suivante : « Consolider la définition de la subvention et en faire le mode de financement principal des associations en complétant et donnant une base législative à la circulaire Valls en : inscrivant la possibilité de financer un projet à 100 % de son coût économique ». Cette préconisation permettrait de sortir de l’éternel besoin de trouver un cofinancement pour un projet pour lequel un financeur serait prêt à s’engager. Ce phénomène contraint de nombreux projets à ne pas voir le jour, ou à se transformer de façon souvent kafkaïenne pour répondre aux exigences de plusieurs financeurs.
La préconisation 13 est la suivante : « Sécuriser la notion de pluri-annualité des subventions en contraignant le respect des engagements lors de conventions pluriannuelles ». Dans l’IAE, malgré des conventions entre l’état et les structures pouvant s’appliquer sur 3 ans, le nombre de poste financé est remis en jeu chaque année, voire chaque semestre pour certaines. Cela rend la planification budgétaire des associations très incertaine. Des conventions pluri-annuelles, adossé à un budget pluriannuel pour l’IAE, permettraient une gestion plus sereine des SIAE.
La préconisation 19 est la suivante : « Fixer un délai de paiement ferme des subventions publiques imposant le versement de 50 % du budget 60 jours après la notification et du solde 30 jours au maximum après l’envoi des justificatifs marquant la fin de des projets. Les conventions de subvention doivent encadrer le versement régulier d’acomptes, principalement pour sécuriser le paiement des salaires et cotisations. ». Dans l’IAE, celle-ci permettrait d’éviter de nombreux problèmes de trésorerie rencontrés par les structures.
La préconisation 20 est la suivante : « Créer un fonds d’avance national pour permettre aux associations d’accéder sereinement aux financements européens (principalement FSE) et assouplir les démarches d’évaluation et de reporting financier. ». Dans l’IAE, en particulier dans les ACI, le FSE est un outil souvent mobilisé. Toutefois, le délai de paiement de ce financeur (parfois plusieurs années après les dépenses), est fragilisant pour les structures. Beaucoup ont donc recours à l’emprunt, donc au paiement d’intérêts bancaires. In fine, ce système conduit donc à des coûts supplémentaires, et à fuite d’argent destiné à l’intérêt général vers des intérêts privés.
Conclusion : un besoin de changement au niveau politique, mais des idées appropriables dès aujourd'hui pour les associations
Cet avis du CESE pourra sembler évident à celles et ceux qui exercent dans des associations depuis plusieurs années, que ce soit en tant que bénévole ou salarié.e. Pourtant, il permet de rendre objectif des phénomènes qui pouvaient jusqu'ici relever de l'intuition pour nombre de responsables associatifs. Surtout, il permet d'articuler des problématiques qui peuvent sembler éloignées mais qui relèvent en fait d'une même origine.
Enfin, il dresse des préconisations qui devront être appropriées par les associations elles mêmes afin de les faire vivre et les rendre concrètes. Celles ci sont avant tout dirigées vers les décideurs politiques, et appellent à des changements législatifs. Mais on peut aussi y voir des éléments appropriable dès aujourd'hui au niveau de nos associations. Par exemple, la première étape pour résoudre le problème de la diminution du nombre de bénévoles dans l'IAE, sera sans nul doute de prendre acte du changement de la nature du rôle des administrateur.ice.s d'association. De la sorte, nous pourrons réflechir à des méthodes plus adaptées pour le recrutement, la formation et l'accompagnement des personnes souhaitant s'engager.
Alors comme tout rapport de près de 200 pages rendu par une institution, le risque serait aujourd'hui que ses préconisations soient lues, puis oubliées. Un seul moyen pourrait assurer au CESE que ce ne soit pas le cas : que les associations s'en emparent !