ECONOMIE CIRCULAIRE – UNE MATINEE A L’ACADEMIE DU CLIMAT
Mardi 12 juillet, l’INEC (Institut National de l’Economie Circulaire) organisait en partenariat avec le cabinet de conseil AZIMIO et l’agence TERRAVOX une matinée autour de la thématique « économie circulaire, et si on changeait nos modes d’agir ».
Sous le haut patronage de la Ville de Paris, l’évènement s’est déroulé dans un lieu symbolique : l’Académie du Climat, installée depuis peu dans l’ancienne mairie du 4ème arrondissement.
Un état des lieux
La première table ronde, « choisir », consistait un état des lieux des enjeux gouvernementaux autour de l’économie circulaire et de ses répercussions sur les entreprises.
La loi AGEC transforme en profondeur le système d’organisation des filières REP (Responsabilité Elargie du Producteur).
Anciennement restreintes à la gestion des déchets, ces dernières interviennent désormais bien plus en amont avec du soutien à l’écoconception, à la réparation et au réemploi.
Nous devons à cette loi « l’indice de réparabilité », l’arme anti-obsolescence programmée. En vigueur depuis le 01/01/2021, cet indicateur (note s’échelonnant de 1 à 10) est censé éclairer le consommateur dans son acte d’achat. Il s’applique actuellement sur 5 produits répandus, le smartphone en tête et est voué à se généraliser à terme sur nos produits du quotidien.
Aux 12 filières REP existantes, la loi AGEC a prévu d’en ajouter 11 nouvelles d’ici 2025. En 2022, 5 ont déjà vu le jour, dont la très attendue PMCB (Produits et Matériaux de Construction du Bâtiment). Il faut préciser que les activités du bâtiment et des travaux publics génèrent à eux seuls les ¾ des déchets français soit 246 millions de Tonnes en 2012.
Derrière ces réformes, l’enjeu de souveraineté pour les entreprises est fort. La proactivité devient une nécessité sous peine d’accumuler un retard qu’il deviendra difficile à combler dès lors que la concurrence aura déjà pris le virage et que le gouvernement se montrera moins flexible.
Autrefois non stratégiques, les indicateurs d’économie circulaire deviennent cruciaux si tant est qu’il soient définis et tracés. Cela implique d’identifier les collaborateurs ayant accès aux gisements de données permettant de les calculer, puis de les former. Par la suite, un travail de sensibilisation doit être mené en interne pour mobiliser les départements clés (achats, logistique, marketing, direction des systèmes d’information).
Les acteurs de la grande distribution constituent un levier important pour la loi AGEC tant ils peuvent créer un effet d’entrainement. Manutan travaille ainsi sur son propre indice de réparabilité pour mettre en évidence ses fournisseurs vertueux et sensibiliser ceux qui n’ont pas encore intégré l’économie circulaire dans leur stratégie.
La collaboration devient l’ingrédient indispensable pour se conformer à l’article 58 de la loi AGEC qui « porte à 20% l’acquisition de biens issus du réemploi ou intégrer des matières recyclées ». Les rapports entre acteurs doivent tendre vers plus d’interconnaissance pour stimuler l’innovation. Dans cette quête, l’ancrage territorial est devenu une notion incontournable pour dessiner avec les acteurs locaux (réseaux, collectivités, associations, TPE/PME) des solutions innovantes et responsables.
C’est dans cette optique que La Poste a créé le programme de l’Alliance Dynamique. Né en 2014 d’une volonté partagée par le groupe et une cinquantaine de fédérations / structures de l’ESS de coopérer et d’agir ensemble, il permet au groupe de lier ses problématiques RSE aux enjeux territoriaux. C’est ainsi qu’est né RECY’CLO, un projet d’intrapreunariat porté dans le Grand Est sur le reconditionnement de la flotte de VAE (Vélo à Assistance Electrique) des postiers de la région. Il repose sur un partenariat avec un ESAT des Vosges pour un volume annuel de 300 à 400 vélos.
Pour pousser la réflexion plus loin, les entreprises vont devoir intégrer deux sujets dans leur stratégie RSE :
- la massification des flux de reconditionnement pour maintenir une empreinte carbone cohérente.
- la revalorisation des invendus non alimentaires sur lesquels le gaspillage est parfois délirant (ex. Matériel scolaire)
De l’effort à la norme sociale
Pour accélérer la transition il va falloir « changer le regard » de l’ensemble des acteurs sur l’économie circulaire, la thématique de la table ronde suivante.
Yann RAINEAU, économiste à l’INRAE, soulève la contradiction entre le bien être collectif à terme découlant des pratiques d’économie circulaire et l’effort qu’il représente pour chacun au quotidien. Il cite l’exemple des produits issus de l’agriculture biologique, où les bonnes intentions recensées dans les sondages ne sont pas nécessairement suivies dans les faits.
Comment minimiser cette notion d’effort ?
Selon l’économiste, la R&D classique doit changer de prisme pour mieux prendre en considération le regard de celui qui expérimente au quotidien. Cela implique de faire intervenir l’ensemble des acteurs du projet et du territoire pour faire émerger des points de vue différents, dont les « sachants » n’avaient pas nécessairement conscience. Cette nouvelle forme de politique, il en a fait un sujet de recherche dans le domaine de la viticulture, ce qui lui a valu le Grand prix Sciences et Recherche de l’Académie Amorim.
Dans un autre registre, les normes sociales doivent évoluer et peuvent compter sur le « nudge[1] » un outil très en vogue. En cela, l’indice de réparabilité est une première avancée qui devrait montrer la voie à d’autres mesures incitatives.
L’aspect ludique et convivial ne doit pas être négligé. La métropole Lilloise expérimente par exemple des ateliers de réparation et personnalisation de cartables pour acculturer parents et enfants à ce nouvel état d’esprit.
Pour appuyer ceci, l’imaginaire collectif doit évoluer : l’offre culturelle doit être renouvelée et intégrer l’économie circulaire à tous les niveaux.
La Villette, vitrine du futur convertit en laboratoire de la low-Tech, et le Théâtre de l’Aquarium qui stocke 250 m3 de décors et costumes doivent inspirer les acteurs du secteur. Mais pour cela, il faut que les contraintes règlementaires encadrant les droits d’auteurs s’assouplissent.
L’exercice subtil de la coopération
Collectivités locales et territoriales, entreprises commerciales et structures de l’ESS doivent coopérer pour faire tendre notre société vers plus de résilience. C’est la thématique abordée au cours de la dernière table ronde avec, en introduction, une parenthèse sur la ville autosuffisante d’Ungersheim. A grande échelle, l’exercice de la coopération n’est pas aisée car les structures ne disposent pas nécessairement de l’expertise, des ressources humaines ou même de la prise de hauteur suffisante. Des structures se sont créés pour assurer l’ingrédient manquant : la coordination.
CIRCULAB est une communauté de consultants répartis sur l’ensemble du globe avec des expertises métiers et terrain différentes. L’intelligence collective qu’elle a développé a notamment intéressé la Ville de Paris pour répondre à son engagement de sortie des plastiques à usage unique.
CIRCUL’R est une entreprise sociale spécialisée dans le conseil en économie circulaire. Elle a mené des travaux de concertation sur 2 sujets notoires : la fin de vie des PLV (Publicité sur Lieu de Vente) non encadrée par les REP et la profusion de déchets liée à l’explosion du colis.
Parmi les coopération notoires, le Groupe ARES a mis en évidence l’intérêt de la JVS (Joint-Venture Sociale). REPARSEB est une entreprise d’insertion spécialisée dans la réparation du petit électroménager fusionnant les cultures des entreprises SEB et ARES et qui est née sous l’impulsion de l’Etat.
Florentin LETISSIER, Adjoint à la Maire de Paris en charge de l’ESS, de l’économie circulaire et de la contribution à la stratégie zéro déchet est venu conclure cette matinée.
Convaincu que nous sommes entrés dans l’ère de la rareté, il se félicite de la mobilisation citoyenne autour de la question environnementale (tribunes de chefs d’entreprises, étudiants de grandes écoles refusant leur diplômes). Au sujet du réemploi et de la réparation, les ressourceries de la ville vont faire l’objet d’un fort soutien tandis qu’il souhaite mobiliser plus de ressources et d’innovation concernant le recyclage (études indépendantes de lobbying).
Les SIAE Franciliennes se sont emparées du sujet de l’économie circulaire depuis bien longtemps. N’hésitez pas à consulter notre recensement de 2018 sur leur pratiques.
Lien : https://www.grafie.org/system/files/2020-03/ECONOMIE%20CIRCULAIRE%202.pdf
Les intervenants
Table ronde n°1 « choisir » :
- Véronique RIOTTON, députée dans la 1ʳᵉ circonscription de la Haute-Savoie et rapporteure du projet de loi AGEC
- Fanny DERENCHY, directrice économie circulaire du Groupe La Poste
- Pierre Emmanuel St Esprit, cofondateur de Zack et directeur de Manutan Second Life
Table ronde n°2 « changer le regard » :
- Julien PILETTE, conseiller municipal pour la métropole de Lille
- Elora DOS REIS, Chargée de Mission Economie Circulaire « Les Canaux »
- Yann RAINEAU, économiste à l’INRAE
Table ronde n°3 « coopérer » :
- Justine LAURENT, DG Circulab
- Tissa SMAGGHE, consultante en économie circulaire chez Circul’R
- Sybille BACHELIER, Chargée de partenariats publics Groupe ARES
[1] Nudge : Forme d’incitation économique qui passe par un autre biais que le monétaire. Quelques illustrations par le biais cognitif :
- Le mot du service de chambre : « 70% des clients réutilisent au moins une fois leur serviette de toilette, et vous ? »
- Raccourcir les bandes sur la route pour donner une illusion de vitesse et inciter le conducteur à ralentir
- Les indices de produits de consommation (A, B, C, D, etc.)