Comment continuer le développement de l’IAE ?
Difficile de passer à côté de l’information quand on est un professionnel de l’Insertion par l’Activité Economique (IAE) : en 2023, les chiffres du financement public de l’IAE diminuent. Malgré une revalorisation de l’enveloppe de 133 millions d’euros obtenus grâce à la mobilisation des réseaux (dont le GRAFIE), le mouvement de soutien public exceptionnel initié entre 2019 et 2021 est désormais ralenti.
Il sera donc difficile pour les réseaux et acteurs de l’IAE de développer plus de postes en insertion en 2023. Bien sûr, les structures en croissance doivent pouvoir continuer à être accompagnées dans leur augmentation de postes et l’ensemble des réseaux reste mobilisé pour défendre ces situations. Mais si nous ne pouvons plus tellement nous développer en quantité, alors le moment est idéal pour se concentrer davantage sur la qualité de nos solutions.
Diversification
L’IAE est aujourd’hui assez concentrée sur des segments économiques spécifiques. Le rapport IGAS paru en 2022 rappelait que l’IAE était concentrée sur 3 segments d’activité : service à la personne et à la collectivité, agriculture et espaces verts, et transport et logistique. A l’exception des métiers du service à la personne, ces métiers sont principalement occupés par des hommes, ce qui explique un déséquilibre homme/femme dans le nombre de bénéficiaires. En 2021, 61% des bénéficiaires de l’IAE étaient des hommes.
Pour autant, les besoins d’emploi des femmes ne sont pas moins importants que ceux des hommes et il y a donc urgence à développer un niveau égal d’opportunité pour tous les publics.
Si nos efforts ne pourront pas ou peu se concentrer sur le développement de nouveaux postes en 2023, alors ne pourrions-nous pas nous concentrer à l’amélioration de notre capacité à accueillir des femmes dans une juste proportion ?
La résolution de ce problème pourrait passer par une diversification des métiers supports, la mise en place de parcours privilégiés avec des entreprises hors IAE, l’analyse des freins à la levée de la barrière du genre, par exemple. Toutes ces solutions ne nécessitent pas obligatoirement d’augmenter le nombre de postes à conventionner, mais sont pourtant à même de largement améliorer la qualité de l’IAE en Ile-de-France. Alors si on tentait ?
Tensions de main d’œuvre et besoin d’emplois satisfaisant
Il est désormais monnaie courante de parler de « tensions de recrutement » dans tous les secteurs de l’activité économique. Il devient très compliqué de trouver la perle rare pour un certain nombre de postes. Il est alors tentant de se tourner vers l’IAE pour que la part non-qualifiée de ces métiers puisse être assumée par des salarié.e.s en insertion.
Chacun perçoit donc la limite éthique de faire faire les métiers dont personne ne veut aux personnes en difficultés sociales et professionnelles, sans au préalable réfléchir aux raisons qui poussent ces métiers à ne plus attirer de candidats.
Le marché du travail davantage axé autour de contrats courts, flexibles et précaires qu’auparavant, génère une quantité d’emploi peu satisfaisants, en particulier pour les personnes les moins qualifiées ; cadences, soumission hiérarchique, instabilité de l’emploi, faible rémunération sont autant de facteurs qui conduisent ces emplois à être peu attractifs.
Dans ce contexte, l’IAE ne doit-elle pas occuper une place de laboratoire de l’emploi de qualité pour les personnes en difficultés sociales et professionnelles ? Il devient ainsi urgent de proposer des modèles de cadres de travail plus émancipateurs, où chacun puisse trouver un sens et du confort dans son travail.
Qualité de vie au travail, dialogue social, réflexion sur des filières à impact social sont autant de champs de travail que nous pouvons investir davantage, afin de parvenir à cet objectif. Ainsi, plutôt que d’adapter les demandeurs d’emplois à un marché du travail aliénant, nous devons adapter le marché du travail à l’exigence légitime d’emplois satisfaisants pour tous.
Relation avec les employeurs hors IAE
Les taux de sorties de l’IAE prouvent que notre modèle fonctionne. En moyenne, un bénéficiaire de l’IAE sur 3 accède à l’emploi durable après un parcours d’insertion et un autre tiers à des solutions dites « dynamiques ».
Ce taux est satisfaisant, mais pourrait être amélioré en travaillant à construire des parcours « sans couture » avec les employeurs de nos territoires, à même de recruter des salarié.e.s en sortie de structure d’insertion. Ainsi, en prenant ce problème à bras le corps, les SIAE peuvent créer des partenariats féconds avec le tissu économique de leur territoire.
L’activité du GRAFIE en première ligne pour un développement audacieux de l’IAE
En somme, si l’ambition de créer des milliers de nouveaux postes dans l’IAE semble mise en pause pour le moment, il peut paraître opportun de travailler collectivement à la question de la qualité de notre offre. L’heure est donc au maintien du développement de l’IAE, dans une voie renouvelée. Le GRAFIE, inter-réseau de l’IAE en Ile de France, propose déjà d’accompagner ce développement.
Citons par exemple les actions suivantes :
- Chantier Ecole travaille avec l’ensemble des acteurs de la filière Cycles pour faire émerger de nouveaux métiers-support pour l’IAE, utile socialement et environnementalement
- De la même manière, la FEI travaille activement avec les acteurs de l’économie circulaire
- La FAS propose, à travers le développement de SEVE Emploi et de la mission Passerelle Entreprise, de travailler en lien avec les employeurs du territoire, à « l’après IAE » pour les bénéficiaires, pour que l’IAE soit vectrice de parcours durables
- Coorace propose des diagnostics territoriaux pour éclairer les porteurs de projets et s’assurer que le développement de l’IAE réponde aux besoins sociaux