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Agir contre les barrières de genre à la pratique des métiers dans l'IAE : partir de la compréhesion des freins pour trouver des solutions

Nous assistons en ce moment à un fort développement de l’IAE, qu’il faut saluer. De nombreuses nouvelles structures s’implantent sur nos territoires, avec pour intention de participer à la lutte contre le chômage de longue durée et l’exclusion sociale.

Un certain nombre d’entre elles choisit des métiers supports particulièrement marqués par la division genrée des tâches au sein de notre société. Ainsi, c’est le cas des métiers du bâtiment, qui sont dans les faits, particulièrement pratiqués par des hommes, ou à l’inverse des métiers du nettoyage et de l’entretien des bâtiments, dont les effectifs sont plutôt féminins. Pourtant, les SIAE doivent proposer des solutions à tous et toutes, et ainsi faire en sorte que les métiers supports qu’elles proposent puissent convenir à chaque bénéficiaire, quel que soit son genre.

Par ailleurs, on fait face sur certains territoires à une pénurie de main d’œuvre sur certains métiers, alors même que le nombre de personnes au chômage y est important. C’est le cas par exemple du métier de chauffeur routier - un métier particulièrement masculin. Il serait alors opportun de faire en sorte que ces métiers puissent être pratiqués par le plus grand nombre à la fois pour répondre aux besoins économiques des territoires, que par devoir de proposer des solutions au plus grand nombre de personnes.

 

Pour cela, les SIAE sont incitées à mettre en place des actions pour casser les barrières de genre à la pratique des métiers. Mais dans la pratique, elles rencontrent de nombreux freins à la mise en place de celles ci. Pour beaucoup, le constat est le suivant.

Beaucoup est déjà fait pour attirer des publics différents de ceux habituellement reçus par les structures, et il y a une réelle volonté de recruter un public plus divers mais qui reste confronté aux choix des personnes, qui vont vers des métiers qui les intéressent, ou qui leur paraissent atteignables. Cette situation encourage le fatalisme des SIAE qui peuvent être rapidement amenées à se résigner.

Pour dépasser cela, les structures d’insertion ont besoin d’être accompagnées pour adopter une position qui place tout de même la SIAE en actrice de changement et d’amélioration de l’égalité d’accès aux métiers. En ce sens, nous proposons la méthodologie suivante qui part de la compréhension de ce problème de recrutement, pour ensuite déterminer un plan d’action.

 

Comprendre les mécanismes qui amènent à un recrutement différencié

 

Il a été énormément écrit sur les mécanismes sociaux qui poussent à une répartition genrée du travail dans notre société. Il ne s’agit pas ici de présenter une liste exhaustive des explications, mais plutôt de les résumer et de les vulgariser.

 

Une première explication des barrières de genre existantes à la pratique des métiers dans l’IAE est l’existence de principes discriminatoires dans le recrutement. Cela peut se traduire par exemple par le fait de refuser les candidatures de femmes dans les recrutements de métiers particulièrement masculins – ces pratiques sont illégales. Cela peut également prendre la forme de ne s’adresser qu’aux hommes, en utilisant un langage non inclusif dans les offres d’emploi. Il peut plus simplement s’agir de de biais au moment du recrutement qui pousseraient à recruter sur d’autres critères que les compétences lorsqu’il n’existe pas de procédure de recrutement claire avec des critères formalisés. On pourrait appeler ces moteurs d’inégalité les barrières de niveau 1.

 

Une seconde raison qui entre en jeu dans un recrutement différencié est l’existence de conditions de travail particulièrement inadaptées pour un type de public. Ce serait par exemple d’accepter les femmes dans les recrutements sur le papier, mais de ne pas leur permettre des conditions de travail équivalentes à celles des hommes : ambiance d’entre-soi masculin non-sécurisante, absence de vestiaires féminins, pas de tenues de travail adaptées à une morphologie féminine, etc. On pourrait appeler ce second ensemble de moteurs d’inégalités les barrières de niveau 2.

 

Enfin, un troisième et dernier moteur d’inégalité est la socialisation différenciée existante entre les hommes et les femmes. La socialisation désigne l'ensemble de processus par lesquels les individus acquièrent et intériorisent les normes, les valeurs et les rôles qui régissent la vie sociale, construisant ainsi leur identité psychologique et sociale[1]. Pour le dire plus simplement, dans notre société on apprend plutôt aux hommes, de leur enfance jusqu’à dans la culture populaire à se sentir à l’aise avec des activités physiques comme celles du bâtiment, alors que le rôle attribué aux femmes se tournera plutôt vers des activités d’entretien, ou de soin par exemple. Cette socialisation, différente selon le genre, explique qu’en moyenne pour un poste dans le bâtiment, la plupart des candidatures seront masculines. On peut appeler ce moteur d’inégalité une barrière de niveau 3.

 

Mettre en place des mesures pour lever ces barrières

 

La première question à se poser pour une structure est de savoir à quel niveau sont les freins : sont-ils plutôt de l’ordre des « barrières de niveau 1 », de niveau 2 ou de niveau 3 ? Dans les faits, ils sont souvent aux 3 niveaux ! Une fois ces freins identifiés, il s’agit de définir sa marge de manœuvre, et donc de définir les actions possibles à mettre en place au niveau de la structure pour les lever.

 

Pour agir sur les barrières de niveau 1, une SIAE doit s’assurer d’être dans la légalité en ayant aucune pratique discriminatoire dans son fonctionnement. Elle doit également mettre en place des actions qui lui permette de toucher toutes les personnes sans distinctions. L’enjeu est multiple : garantir l’égalité dans le recrutement,  l’égalité dans l’accès à la formation et pour les salarié.e.s permanents, l’égalité de traitement dans les promotions internes.

Dans les pratiques qu’elle peut mettre en place, un SIAE doit notamment construire une procédure de recrutement claire. Cette procédure de recrutement doit comprendre des fiches de postes rédigées avec un langage inclusif et basées sur des compétences objectives. La procédure de recrutement est également basée sur une grille d’évaluation formalisée et commune à l’ensemble des candidats, qui est établie sur des critères précis pour s’assurer de recruter sur les compétences des personnes.

 

Pour agir sur les barrières de niveau 2, les SIAE doivent s’assurer de proposer les mêmes conditions de travail à toutes et tous ses salarié.e.s. Pour cela, les conditions matérielles doivent être réunies (vestiaires, tenues de travail adaptées etc.). Les salarié.e.s permanents doivent être formé.e.s sur la question et outillé.e.s pour reconnaitre les différentes formes de discriminations et déconstruire les stéréotypes. Les CIP peuvent par exemple être formés pour recevoir et traiter des incidents de discrimination, en sachant recueillir la parole d’un.e salarié.e victime de discrimination. Il est également important de communiquer sur la possibilité de faire remonter des incidents ou des informations et de donner suite aux signalements en interne.

La SIAE doit également s’assurer d’être outillée pour faire face aux discriminations des clients ou des partenaires. Pour cela, les incidents de discriminations de la part des clients ou partenaires doivent être documentés et la structure doit avoir une politique claire vis-à-vis de la discrimination de la part des clients et des partenaires. La communication de cette politique en interne est importante pour aider à répondre aux injonctions discriminatoires des clients par exemple.

Un telle politique est également valable en interne pour veiller à lutter contre le harcèlement, les violences, et les agressions ou micro-agressions. Pour cela, la structure peut mettre en place des personnes référentes au sein de la structure. Elle peut également veiller à intégrer des femmes dans un groupe de réflexion sur les conditions matérielles de l'exercice de l'activité, ou dans les processus de prise de décisions de manière générale. Elle peut également proposer des formations à l’ensemble de ses salarié.e.s sur la non-discrimination, dans le but de créer une ambiance favorable au travail en mixité.

 

Pour agir sur les barrières de niveau 3, les SIAE ont un rôle à jouer dans l’accompagnement socio-professionnel des personnes. Un des freins identifié concerne l’estime de soi des personne avec le sentiment de ne pas se sentir capable d’exercer tel métier, ou de ne pas se sentir à sa place pour le faire. Les CIP dans les structures peuvent alors avoir un rôle consistant à rassurer, à mettre en confiance sur la capacité de tous et toutes à réaliser le métier et à être force de proposition. Par exemple des informations collectives pour présenter les métiers peuvent être faites, et cela peut l’occasion d’amplifier la parole des femmes qui travaillent dans un métier majoritairement masculin par exemple. Il peut aussi être pertinent d’avoir d’un encadrement mixte. 

Sur le sujet, vous pouvez avoir un impact : par la communication en interne et en externe, en faisant de votre structure un endroit sécurisé et sécurisant pour les personnes victimes de discrimination grâce à des procédures claire et des personnes référentes identifiées, en se tenant informé et en se formant sur la compréhension des discriminations, notamment en étant le relai des associations locales compétentes sur les questions de lutte contre les discriminations.

 

Enfin, les structures peuvent également mettre en place des groupes d’échanges de pratiques ou encore établir des partenariats avec des associations locales spécialisées pour favoriser la prise en compte de certaines problématiques. De manière générale, afin de poursuivre leur engagement dans la lutte contre les discriminations, la SIAE peut prendre en compte les différentes catégories de discriminations dont notamment celles envers les femmes, envers les personnes en situation de handicap, envers les personnes racisées et les personnes de nationalités étrangère réelle ou supposée, envers les personnes LGBTQI+ ou encore sur la base des convictions religieuses.

 

Si vous souhaitez approfondir ce sujet, vous pouvez vous renseigner notamment via le guide contre discriminations dans l’IAE,  solliciter des sensibilisations à destination de l’équipe permanente, ou encore réserver un accompagnement Lutte contre les discriminations proposé par Coorace Île-de-France.

 

  1. [1] Michel Castra, « Socialisation », Sociologie,‎ 1er août 2013 (ISSN 2108-6915lire en ligne [archive], consulté le 1er avril 2016)

 

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